Les micro particules : Entretien avec Aline Archimbaud

archimbaud_aline11055mUn récent rapport a révélé sur Paris, un pic à 6 millions de particules ultrafines par litre, au lieu de 200 000 dans un journée standard. On évoque souvent ces particules quand on parle du diesel, mais que savons nous vraiment de ces “petites bêtes” qui viennent polluer notre air ? D’où viennent t’elles ? Qui en est responsable ? C’est ce que j’ai voulu savoir en vous proposant ce nouveau rendez-politique. C’est donc du côté de l’écologie qui je me suis tourné pour évoquer ce problème.

Aline Archimbaud, Députée Européenne de 1992 à 1994, actuelle Sénatrice Europe Ecologie les Verts de Seine Saint Denis et Maire-adjoint de la ville de Pantin, nous éclaire sur les microparticules et la politique environnementale en ville.

Vous avez récemment été l’auteure d’une proposition de loi concernant les microparticules. On évoque souvent ces particules alors que personne n’en parlait y’a quelques années. Pouvez vous nous expliquer de quoi il s’agit, et où on les trouve ? Les particules fines sont des microparticules de moins de 0,25 micromètre de diamètre présentes plus ou moins longtemps dans l’atmosphère. Elles sont émises par les gaz d’échappement des moteurs diesel et parfois aussi des moteurs essence, mais proviennent également du chauffage, des industries, de l’agriculture… Dans les grandes agglomérations, la part du trafic routier dans l’émission de ces particules est toutefois prépondérante : 51 % en Île-de-France par exemple. Reconnues responsables de cancers du poumon par l’organisation mondiale de la santé, elles sont également à l’origine d’autres pathologies pulmonaires, comme l’asthme et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), car les particules en suspension dans l’air entrent dans les bronches – plus elles sont fines, plus elles y entrent loin -, et créent une inflammation qui les épaissit et provoque alors des sécrétions de glaires qui rendent difficile la circulation de l’air et entraînent essoufflement et insuffisance respiratoire. Ces particules très fines peuvent également passer au travers de la paroi des bronches jusque dans la circulation sanguine, irritant la paroi des artères et favorisant la formation de plaques d’athérome avec risques de thromboses responsables d’accidents tels que des angines de poitrine, des infarctus, ou encore des accidents vasculaires cérébraux.

On évoque bien souvent le diesel à propos de la pollution aux particules. De gros efforts ont été fait de la part des fabricants d’automobiles. Pourtant la pollution est de plus en plus présente. Les mesures ne semblent pas suffire pour baisser la pollution…Comment l’expliquez vous ? On a essayé en France de nous faire croire que le nouveau diesel, propre, était arrivé ! En réalité, un conflit d’intérêt manifeste se cache derrière ce nouveau slogan. Les tests d’émission sont réalisés par les constructeurs eux-mêmes. Ils ne prennent pas en compte les conditions d’utilisation réelles des filtres. Et ces filtres ne permettent de toute façon pas de stopper l’émission des particules les plus fines qui sont aussi les plus dangereuses, ni les composés organiques volatils qui, une fois dans l’air, reforment des particules fines secondaires. Leur utilisation induit de surcroît une surproduction d’autres substances polluantes, dont les oxydes d’azote (Nox), déjà en concentration importante dans de nombreuses agglomérations et au sujet desquels la réglementation européenne a prévu un durcissement dès 2015.

Une récente étude réalisée l’an dernier sur Paris a d’ailleurs été très négative avec un pic à 6 millions de particules ultrafines par litre au lieu de 200 000 lors d’une journée standard. La Mairie de Paris souhaite lancer un plan d’action pour réduire le volume de la circulation routière et développer au mieux les transports en commun. Réduire la circulation routière n’est elle pas une solution utopique ? Et au niveau des transports en commun que faire de plus ? puisqu’ ils sont déjà très nombreux sur Paris .. La question ne se pose pas ainsi. La vraie question est de mettre en œuvre de façon convergente plusieurs moyens pour lutter contre les particules fines : améliorer les transports publics, certes, et notamment en banlieue, mais aussi développer les véhicules propres. Il ne faut pas opposer une action à une autre, il faut développer simultanément des solutions complémentaires.

On voudrait que les gens prennent plus les transports en commun, mais lorsque l’on voit les prix….il est évident que les gens prennent leur voiture.Un aller retour de Seine et Marne par exemple à Paris peut coûter plus de 20 euros aller-retour. Pour une famille de 4 personnes souhaitant passer une journée à Paris cela revient à 80 euros la journée. Soit on reste chez soit, soit on prend sa voiture !! Que peux t’on faire pour réduire ces couts ? Pour inciter à prendre les transports en commun ? Vous avez raison sur le constat. C’est pour cette raison qu’Europe Ecologie les Verts a défendu aux élections régionales de 2015 le Pass Navigo à tarif unique, pour aligner tous les Franciliens sur le tarif de 70 euros, soit le prix appliqué en zone 1 et 2, les moins chères. La hausse du versement transport serait la principale solution pour trouver les 500 millions (entre 300 et 350 millions estiment plutôt les Verts) nécessaires à l’application de cette mesure toute l’année. Je sais que mes collègues conseillers régionaux écologistes, et notamment Pierre Serne, vice-président en charge des transports et des mobilités au conseil régional d’Île-de-France, en ont fait leur priorité. Au delà de l’Ile de France, on voit que l’on a un problème sur le tarif du transport ferroviaire. Le tarif des trains en France est une honte, qui n’incite pas dutout à laisser sa voiture au garage !

Ces particules sont la première cause de la mortalité environnementale. On a fait beaucoup contre le tabagisme, or selon Jean-Félix Bernard, président d’Airparif, les conséquences sur la santé des Parisiens sont importantes. Il dit même qu’« Un tel épisode de pollution de l’air équivaut à du tabagisme passif permanent, et est aussi nocif que d’être enfermé dans une pièce de 20 mètres carré avec huit fumeurs ». Alors que l’écologie est aujourd’hui présentée comme un problème de vie ou de mort, pourquoi les responsables politiques ne présentent t’ils pas des mesures plus radicales ? A la place de mesurettes qui ne font que retarder les choses……? Parce que trouver une rustine est toujours plus simple que de changer la roue ! Aujourd’hui, nous arrivons à la fin d’un modèle. Et comme la révolution agricole puis industrielle que nous avons pu connaître aux siècles derniers, c’est d’une révolution écologiste dont la France a besoin. Mais les responsables politiques ne peuvent pas agir sans être en harmonie, en phase avec la population. Ils doivent tenir compte du degrès de confiance tout en organisant des projets. Nous ne sommes pas des dictateurs ! Nous préférons des mesures incitatives et dissuasives, plutôt que des mesures d’interdiction.

Les villes ont été créées en fonction des voitures et non des habitants. Certaines villes se développent quand même en conséquence, en fermant la circulation au centre ville, à l’exemple de Reims, ou de Strasbourg. Pour ce qui est de Paris et de sa proche banlieue, on arrive a un niveau de saturation important. Le Vélib et les voitures électriques ne semblent pas être une alternative pour stopper cette saturation, alors que la surpopulation gagne du terrain.  Y’a t’il vraiment des solutions ? Ne peut t’on pas inciter les gens à quitter la région parisienne ? Pourquoi ne favorise t’on pas de l’activité et de l’emploi dans des régions quasi désertiques à l’image d’un département comme la Nièvre qui ne comptent que 200 000 habitants ? Plutôt que de continuer à tout concentrer en région parisienne ? Il faut développer l’emploi dans toutes les régions, mais pour cela il n’y a pas de raison de déplacer les populations, il suffit de s’appuyer sur les ressources locales.

Pour revenir à l’automobile, que pensez vous des voitures électriques ? Est ce une bonne solution ? C’est l’une des réponses à étudier. En Europe, l’impact de la voiture électrique sur les émissions de gaz à effet de serre dépend de l’énergie utilisée pour produire l’électricité qui sert à les recharger. En France, tout dépend de l’heure donc de l’heure laquelle vous souhaiter recharger les batteries, car pendant les « heures pleines », en fin d’après-midi, le nucléaire français ne peut plus répondre à la demande et pour assurer l’approvisionnement, on va chercher l’électricité du côté des centrales à charbon allemandes. Le bilan écologique en terme de pollution et de réchauffement climatique est alors équivalent à celui d’une voiture à essence. En bref, la voiture électrique n’est pas une solution miracle. Mais peut faire partie de la solution dans la mesure où on la combine avec un renforcement de la part des énergies renouvelables dans la part des énergie consommées en France, ce qui est d’ailleurs l’un des objectifs de la loi de transition énergétique en cours de discussion.

Quelle serait l’énergie idéale pour les voitures ? Ce n’est pas au politique mais aux industriels de se pencher sur cette question, en mobilisant la recherche développement !

On veut réduire la voiture dans les villes, mais certaines familles y compris en région parisienne, ne peuvent se passer de voitures. Faire 100 kms aller retour pour aller a son travail en voiture est plus que courant. Parce que les horaires ne sont pas adaptés au transport en commun qui peuvent exister, ou tout simplement parce qu’il est trop compliqué et beaucoup trop long parfois de se rendre d’un endroit a l’autre, y compris dans un même département. On a incité depuis longtemps la mobilité pour le travail mais en fait le mieux pour lutter contre la pollution serait de favoriser la vie et le travail dans sa ville. Pourquoi n’y a t’il pas de grandes politiques pour ne plus avoir à se déplacer justement ? Revenir par exemple à l’image de certaines cités ouvrières qu’on trouvait au début du 20ème siècle, et où on trouvait tout sur place… Les écologistes depuis longtemps se battent contre l’étalement urbain dans les projets d’aménagement, qu’ils soient locaux ou régionaux. Justement parce qu’il coûte très cher en aménagement de réseau, qu’il prend sur les terres agricoles et qu’il oblige nos concitoyens à faire des très longs trajets tous les jours pour aller travailler. C’est fatigant, c’est du temps perdu et de la pollution. Nous sommes aussi pour les formes de télétravail non précaires.

L’automobile permettez moi l’expression est un “bouffe pognon” :  c’est un cout important pour les familles : entre le carburant, l’assurance, l’entretien, l’achat du véhicule qui est même souvent mutiplier par 2, parce que la femme et l’homme travaillent. On peut dire que ca fait tourner l’économie. On peut aussi rappeler que les carburants sont très taxés et que l’automobiliste qui roule beaucoup paye donc beaucoup d’impots. Et  bien souvent il ne peut faire autrement. C’est pourtant à lui que l’on veut faire toujours faire supporter de nouvelles taxes pour soit-disant lutter contre la pollution. Si on pouvait se passer de toutes ces dépenses, ce serait impeccable pour le porte-feuille… N’y a t’il pas d’autres moyens que de toujours inciter par la taxation à prendre d’autres moyens de transport ? Les écologistes ont été accusés d’en vouloir aux classes populaires à qui le diesel procure une solution bon marché pour se déplacer. En réalité, vous avez raison : contrairement à ce que beaucoup pensent, les moteurs diesel sont plus chers à l’achat, plus chers à l’entretien et ne sont rentabilisés que sur de très longues distances parce que le carburant diesel est subventionné à la pompe. Si le prix du diesel à la pompe est artificiellement plus bas que celui de l’essence, c’est d’ailleurs du fait d’une niche fiscale qui représente un manque à gagner pour nos finances publiques de plus de 7 milliards d’euros par an et qui est in fine financée par les contribuables et donc les ménages eux-mêmes. C’est pourquoi j’ai proposé, dans ma proposition de loi, de revoir les critères du malus automobile de manière à y intégrer une composante reposant sur les émissions des polluants atmosphériques que sont les oxydes d’azote et les particules fines. Aujourd’hui, le malus automobile ne repose que sur les émissions de dioxyde de carbone, dont les conséquences portent sur le climat et non pas directement sur la santé. Cette mesure permet donc de prendre en compte la dimension sanitaire du problème, sans toutefois pénaliser les possesseurs actuels de véhicules diesel, car il serait injuste que l’État piège les consommateurs en choisissant de surtaxer le carburant de véhicules diesel qu’il aurait lui-même incité à acquérir par un dispositif fiscal antérieur. Elle présente également l’avantage de ne pas établir de discrimination entre les différents types de motorisations : les véhicules essence les plus polluants seront également concernés. Ce n’est pas une mesure qui interdit. C’est une mesure qui encourage les bonnes pratiques, et décourage les mauvaises, permettant ainsi de modifier progressivement les comportements des consommateurs dans le bon sens. Cette mesure, par le signal qu’elle envoie, permet également d’acter le début d’une reconversion complète de la filière industrielle concernée. Il est fréquent que les personnes qui se mobilisent contre le diesel et sa nocivité sanitaire démontrée soient caricaturés comme des « ennemis de l’emploi ». La réalité, c’est que la filière automobile française est d’ores et déjà en difficulté. Nous avons aujourd’hui le choix entre une stratégie qui consisterait à s’arc-bouter sur une technologie du passé et une autre qui se tournerait résolument vers l’innovation et inscrirait la France dans un projet industriel d’avenir. Cette mesure ne se suffit évidemment pas par elle-même. Elle doit s’accompagner de l’engagement des pouvoirs publics de garantir les emplois menacés jusqu’à leur reconversion totale. Elle doit aussi s’accompagner d’une prime à la reconversion en faveur des ménages qui souhaiteraient passer d’un véhicule polluant aux transports en commun ou à un véhicule propre. Constitutionnellement, je ne pouvais pas proposer directement cette mesure dans la loi en tant que parlementaire mais le gouvernement a le pouvoir de le faire. Je ne l’ai donc pas proposé directement dans mon texte mais j’y suis très favorable, et j’espère que le gouvernement m’aura entendue sur ce point comme sur les autres. Cette prime serait une chance pour l’industrie automobile d’intensifier sa reconversion et pourrait d’ailleurs être modulée selon les revenus du ménage concerné, afin que l’acquisition d’un véhicule propre ne soit plus un luxe réservé à certains. Elle pourrait être en partie financée par les recettes de la nouvelle composante du malus.

Les différents responsables politiques du monde entier évoquent la pollution, font des conférences….. Mais dans le même temps, tout va de plus en plus vite. On se déplace aussi de plus en plus et de plus en plus loin, autant pour partir en vacances que pour aller travailler, avec un transport aérien de plus en plus important. Avec un marché mondial favorisant la libre circulation des marchandises, et des personnes, comment peux t’on favoriser l’environnement tout en favorisant l’économie ? Il faut bien sur garder la liberté de se déplacer pour tous mais il faut aussi garder la liberté de respirer un air pur. D’avoir un accès à la bonne santé. Il faudra donc que nos concitoyens choissisent un équilibre entre ces deux principes. Je fais confiance à la lucidité de nos concitoyenset à leur sens de la responsabilité.

Construire la ville de demain semble très compliqué. Tout a un coût. L’écologie est un enjeu mondial, de survie. Alors pourquoi l’argent revient t’il toujours sur le devant ? Quand les politiques parleront t’ils de l’homme ? de la vie ? du bien-être ? Pourquoi avoir une maison écolo semble être un luxe parce que cher, alors que ça devrait être non pas un produit de luxe mais un produit de base ? C’est aux électeurs de décider à qui ils confient les responsabilités et à quel programme politique ils adhèrent, car ce sont en fait eux qui le décident. Les écologistes s’efforcent d’éclairer leurs choix mais ils ne peuvent aller plus loin.

Comment voyez vous la ville de demain ? Comment la rêvez-vous ? Moi je rêverrai d’arbres fruitiers dans les villes, de potager commun…des potagers par immeuble ou par cité…j’aimerai que l’écologie se développe sans être limité par l’argent, pour le  bien être de tous…Vous l’écologiste, la sénatrice, comment voyez vous la ville demain et comment la créer ? Lorsque j’étais adjointe au maire, j’ai piloté un projet d’écoquartier dans ma ville sur 35 hectares. Nous avons beaucoup réfléchi à cette question. Il faut en fait concevoir une ville équilibrée, qui crée à la fois de l’activité économique, qui crée de l’emploi durable, qui offre des commerces de proximité, des espaces de loisirs variés et aussi des espaces pour les services publics et les associations. Qui garantisse tranquillité publique et bien vivre ensemble. Et bien sûr, des logements à des prix variés (pour éviter les ghettos), permettant une réelle mixité sociale, et le respect de contraintes environnementales fortes : économies d’énergie, respect de la biodiversité et limitation de la pollution de l’air.

Croyez vous qu’il soit bon à l’avenir de créer  des centres auto-gérés ? revenir à une activité locale que l’on essaie d’ailleurs de défendre aujourd’hui pour aider les entreprises locales, les produits locaux ? Il faut d’une manière générale redonner du pouvoir d’agir aux citoyens qui en manquent cruellement. Et notamment, très en amont des projets d’aménagement, mettre en place des démarches participatives qui permettent que les citoyens participent non seulement à la concertation mais à la définition du contenu des projets d’aménagement.

Je vous remercie, un dernier mot peut être ? En finir avec un modèle économique, social et environnemental destructeur des êtres humains. !

 

A propos Guillaume Joubert

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