Rencontre avec Robin Renucci

La passion et la transmission. Ces deux mots définissent parfaitement Robin Renucci. Comédien, metteur et scène et, depuis 2022,  directeur du Théâtre de La Criée à Marseille, il a à coeur de transmettre au public les mots et les textes des auteurs qu’il admire. Il y a quelques jours, il était de passage dans les Alpes-Maritimes. Dans le cadre du Festival des Mots organisé par le Département, il a lu à Villeneuve-Loubet des extraits de La Promesse de l’aube de Romain Gary. Un roman magnifique qu’il connaît bien et dont il avait déjà lu des extraits dans “L’Enfance à l’oeuvre”. Dans ce spectacle qu’il avait mis en scène, il avait choisi des auteurs racontant leurs souvenirs d’enfance : Proust, Rimbaud, Valéry… Lorsque nous l’avons rencontré à l’Hôtel Aston, au détour d’une conversation passionnante, il nous a confié qu’il connaissait par coeur plusieurs passages de La Recherche du Temps Perdu. Il n’en fallait pas plus pour oser lui demander de nous en dire quelques phrases. C’est ainsi que, pour notre plus grand plaisir, il s’est mis à nous réciter le célèbre passage de la madeleine. L’entendre nous a rendu Proust plus facile et plus accessible et nous a donné envie de nous (re)plonger dans La Recherche. Puis nous avons parlé de littérature, de Proust, de Racine, de Phèdre qu’il va mettre en scène en janvier à La Criée. Rencontre avec un artiste passionné. 

France Net Infos : Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait de lire Proust, Romain Gary ou d’autres auteurs à voix haute pour le public ?

Robin Renucci : Quand on lit à voix haute pour soi-même, Proust devient très intéressant. Quand le texte est lu par quelqu’un, ça devient facile ! C’est une langue parlée. Les phrases n’en finissent plus ; il y a beaucoup de digressions. Quand on les comprend dans leurs syntaxes, c’est comme un chemin musical. C’est du jazz ! La littérature n’est pas accessible à tous. Nous, comédiens, sommes des viatiques. Etre interprète, c’est être traversé par le rythme de la syntaxe, par la métrique. Ce n’est pas avoir des idées sur le texte mais c’est en être le serviteur. C’est très exactement relever cette parole couchée. Il faut regarder les mots qui vont ensemble. La syntaxe est une musique très précise de laquelle on ne peut pas s’échapper. La lecture à voix haute a le mérite de remettre la lecture au centre. Cette relation du lecteur et de l’auditeur est très importante.

France Net Infos : Que ce soit en tant que comédien, en tant que metteur en scène ou en tant que directeur du Théâtre de La Criée à Marseille, vous êtes toujours animé par cette envie d’attirer un public qui ne va pas forcément au théâtre…

Robin Renucci : Mon combat, c’est d’aller à la rencontre de spectateurs qui n’ont pas l’habitude d’aller au théâtre. Je l’ai fait pendant onze ans aux Tréteaux de France. Je crois que les “non encore publics”, on peut les rencontrer avec des oeuvres exigeantes. La transmission, c’est essentiel. J’aime en parler. Je suis en train de travailler sur La leçon de Ionesco. C’est une pièce sur le totalitarisme et surtout sur le pouvoir confondu avec l’autorité. Aujourd’hui, on a tendance à détourner de son sens ce mot. “Autoriser”, c’est donner de la liberté à quelqu’un. Ce n’est pas le contraindre. Les gens sont en train d’utiliser ce mot politiquement pour nous dire que nous avons un besoin d’autorité, un besoin de totalitarisme, de pouvoir sur nous. Il y a une confusion entre pouvoir et autorité. L’autorité, elle, nous élève et nous fait croître. Le théâtre est un facteur d’élévation. Il a cette capacité à faire que les spectateurs reconnaissent dans les artistes et dans les auteurs ce qui les augmente. Je suis directeur du Théâtre de La Criée. Un centre dramatique a mission de création, de formation, de transmission et j’ajouterais d’éducation populaire.

France Net Infos : Vous avez souvent mis en scène des pièces de Racine. En janvier, vous allez monter Phèdre à La Criée…

Robin Renucci :  J’ai l’ambition d’être serviteur de Racine et de le dire comme -je le crois – il l’a écrit. Je sais comment relever du papier la syntaxe, la métrique, la phonétique de Racine, en tant que chef d’orchestre d’une équipe. L’artiste donne à voir et à entendre les mots des auteurs. Ca demande un acharnement au travail. Mon travail de metteur en scène n’est pas de faire de l’esbrouffe, c’est de faire entendre et de faire voir les textes. Très souvent, on se trompe sur Phèdre. C’est une femme possédée par Vénus qui viole un jeune homme. Thésée, à son retour, considère son fils comme responsable et décide de le faire tuer. Je pense qu’on viendra peut-être la jouer avec Muriel Mayette-Holtz au prochain Festival de tragédies. J’aime cette idée de l’école du spectateur. Ce serait pédagogique pour le public de voir plusieurs mises en scène de cette pièce. Le regard et la pensée d’un metteur en scène emmènent le spectateur vers quelque chose mais il faut que ce soit le plus près de ce que l’auteur veut raconter.

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