77e Festival de Cannes : le palmarès et nos coups de coeur

Le Festival de Cannes s’est achevé, et, après douze jours intenses et vingt-deux films en compétition, le jury présidé par Greta Gerwig a dévoilé son palmarès. Cette 77e édition a, dans l’ensemble, tenu ses promesses, avec de belles surprises mais aussi quelques déceptions venues de films qui avaient suscité, avant même leurs présentation à Cannes, des attentes sans doute trop grandes.

De nombreuses stars américaines sur la Croisette

Outre les films, cette édition a été marquée par la présence de nombreuses stars américaines qui n’étaient pas venues à Cannes depuis longtemps. L’arrivée de Meryl Streep sur la scène du Grand Théâtre Lumière lors de la cérémonie d’ouverture restera l’un des moments les plus forts de cette édition. Après avoir été ovationnée pendant plusieurs minutes par le public, elle a reçu une Palme d’Or d’honneur des mains de Juliette Binoche, particulièrement émue, et qui avait bien du mal à dissimuler ses larmes. Le lendemain, dans la salle Debussy, l’actrice américaine a évoqué sa filmographie et a répondu aux questions du journaliste Didier Allouch avec humour et simplicité. Jamais une si grande star n’aura paru aussi accessible.

Pour ouvrir la sélection Cannes Classics qui fêtait cette année son vingtième anniversaire, le Festival a mis à l’honneur l’actrice américaine Faye Dunaway, avec le documentaire que lui a consacré Laurent Bouzereau pour HBO. Accompagnée de son fils, elle a parlé quelques minutes avant la présentation du film et a rappelé combien le Festival de Cannes lui tenait à coeur. Elle y est souvent venue officiellement. En 2000 notamment, elle était aux côtés de James Gray pour présenter “The Yards” en compétition officielle. Mais elle aime aussi venir à Cannes pour voir des films, en spectatrice. En effet, à plusieurs reprises, par le passé, il nous est arrivé de l’apercevoir sur la Croisette, incognito, coiffée d’un chapeau, sortant d’une projection.

Le Festival a offert à Kevin Costner un retour triomphal à Cannes. Accompagné des actrices Sienna Miller et Jena Malone, il a présenté “Horizon, an american saga”, le premier volet de ce qui s’annonce comme un triptyque : un western relatant l’expansion vers l’Ouest américain sur une période de quinze ans avant et après la guerre de Sécession, qui a beaucoup touché le public. L’acteur américain était en larmes pour prononcer quelques mots à l’issue de la projection.

Du côté de la compétition officielle, Demi Moore a offert une très belle montée des marches pour la présentation du film de Coralie Fargeat, “The Substance”, dans lequel elle incarne une star déchue, qui n’accepte pas de vieillir. Pour ce film tourné sur la Côte d’Azur, elle s’est donnée corps et âme et nous surprend à chaque scène. Les actrices et acteurs vieillissent et n’hésitent pas à se montrer sans fard à l’écran. C’est ce que fait Richard Gere dans “Oh Canada”, le film de Paul Schrader où il interprète un cinéaste mourant, qui accepte une dernière interview filmée. Un film troublant sur la vieillesse, l’art et la postérité. Quant à Gary Oldman, dont la dernière apparition à Cannes date sûrement de la présentation de son film en tant que réalisateur “Ne pas avaler”, il est au coeur des plus belles scènes de “Parthenope” de Paolo Sorrentino, dans lequel il est un écrivain vieillissant et blasé.

Cette 77e édition a aussi marqué le retour de la compétition de l’un des plus grands réalisateurs américains. Lauréat de deux Palme d’Or, Francis Ford Coppola était très attendu à Cannes. “Megalopolis” a divisé la presse et les festivaliers. Si certains louent la flamboyance du film, d’autres critiquent la confusion et ses propos un peu naïfs. Il faudra attendre le mois de septembre pour le voir ou le revoir à tête reposée sans l’effervescence cannoise. “Megalopolis” fait partie de ces grands films dont on jugera la valeur et la qualité dans plusieurs années. Le film a été présenté à Cannes au début du Festival mais Coppola était présent lors de la cérémonie de clôture pour remettre à George Lucas une Palme d’Or d’honneur. Ils étaient émus tous les deux et nous ont offert un moment inoubliable qui marquera à jamais le Festival.

Le palmarès

Le jury présidé par Greta Gerwig a donc décerné sa Palme d’Or à “Anora” de Sean Baker. Lors de la projection officielle en présence de l’équipe, le film avait bien fait rire la salle, ce qui est plutôt rare à Cannes. Le réalisateur s’intéresse souvent aux laissés-pour-compte, ceux qui sont mis de côté, parfois à la marge de la société. Là, il suit Ani (dont le vrai prénom est Anora), une jeune prostituée qui va toucher du doigt le rêve américain pendant quelques jours puisque le fils d’un oligarque russe paye ses services pendant une semaine puis finit par l’épouser. Mais, bien sûr, nous ne sommes pas dans “Pretty woman” et cette belle histoire va prendre fin quand les parents, informés de la situation, vont vouloir tout mettre en oeuvre pour faire annuler cette union. L’ actrice Mikey Madison est géniale dans le rôle de cette jeune femme bien décidée à ne pas se laisser faire. Elle aurait mérité le Prix d’Interprétation féminine si le film n’avait pas décroché la Palme d’Or. En tout cas, “Anora” est un film énergique, plein de fougue, qui va sûrement trouver son public lors de sa sortie en salles.

Le Grand Prix est revenu au film indien “All we imagine as light” de la réalisatrice Payal Kapadia tandis que le Prix du Jury a été attribué à “Emilia Perez” de Jacques Audiard, notre coup de coeur du Festival. Pendant longtemps, ce film a fait figure de favori pour la Palme d’Or. Comédie musicale, tragédie, histoire d’amour, thriller : il avait tous les ingrédients pour plaire et remporter la récompense suprême. Heureusement, son quatuor d’actrices (Adriana Paz, Zoe Saldana, Selena Gomez et la truculente Karla Sofia Gascon) été distingué par le Prix d’Interprétation Féminine. Le Prix d’Interprétation masculine a, quant à lui,  été remis à Jesse Plemons pour ses trois rôles dans le dernier film de Yorgos Lanthimos “Kinds of kindness”.

Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof est reparti avec le Prix Spécial. Son film “The seeds of the sacred fig” aurait mérité tellement davantage ! Lors de la projection officielle, il a été ovationné pendant de très longues minutes, ce qui aurait pu faire penser qu’il serait le lauréat incontestable de la Palme d’Or. Le film nous plonge au coeur d’une famille iranienne dont le père a été promu magistrat. Pendant ce temps, à Téhéran, la colère gronde et les jeunes femmes retirent leurs voiles dans la rue. Dans un discours poignant, il a rappelé combien la liberté était précieuse. Lui-même a fui l’Iran et il n’a pu venir à Cannes qu’accompagné des actrices qui interprètent les filles dans le film tandis que l’actrice et l’acteur jouant les rôles des parents n’ont pu quitter le pays. Le film, métaphore de la situation en Iran, est d’une très grande force et nous montre à quel point la jeunesse, lorsqu’elle se met en mouvement, peut faire bouger les sociétés.

Le Prix de la mise en scène a été remis à Miguel Gomes pour “Grand tour”, un film exigeant et captivant à la fois. Quant au Prix du scénario, il est revenu à Coralie Fargeat qui nous a surpris et nous a emportés avec son film “The substance”.

Nos coups de coeur

Dans la compétition officielle, certains films -peut-être les plus attendus-, nous ont déçus. “Parthenope” est flamboyant et esthétiquement magnifique mais il paraît un peu vain parfois. “Megalopolis” nous a séduits mais mérite d’être revu pour l’apprécier davantage et mieux. David Cronenberg avec sa nouvelle réalisation “Les linceuls” nous a un peu égarés malgré une idée intéressante et un casting réussi (Vincent Cassel et Diane Kruger). Yorgos Lanthimos avec “Kinds of kindness” est fidèle à son univers mais il a un peu déçu, malgré ses formidables acteurs (Jesse Plemons, Emma Stone, Willem Dafoe, Margaret Qualley). Il n’est pas de la veine de “Pauvres créatures” ou de “La favorite”.

Parmi les bonnes surprises, nous citerons “Diamant brut” d’Agathe Riedinger sur une jeune fille désireuse de faire partie d’une émission de télé-réalité, “La plus précieuse des marchandises”, le film d’animation de Michel Hazanavicius sur la Shoah adapté du livre de Jean-Claude Grumberg, ou encore le film roumain “Trois kilomètres avant la fin du monde”, qui montre la cruauté avec laquelle des parents peuvent traiter leur fils homosexuel. A nos yeux, il aurait mérité de figurer au Palmarès.

Si “Emilia Perez” de Jacques Audiard est incontestablement notre gros coup de coeur de cette sélection, nous avons été sous le charme du poétique et surprenant “Marcello Mio” de Christophe Honoré, dans lequel Chiara Mastroianni se met dans la peau de son père face à ses proches interprétant leurs propres rôles. Ce film touchant et drôle est déjà sorti en salles. Il faut courir le voir !

La section Cannes Première est très récente mais c’est souvent elle qui réserve les plus belles surprises. Cette année, Léos Carax y a présente son magnifique “C’est pas moi”, un film de quarante minutes dans lequel il revisite sa filmographie et parle de cinéma. Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe nous ont touchés dans le dernier film d’Emmanuel Courcol, “En fanfare”, qui porte bien son nom puisque la projection s’est achevée en musique avec la venue d’une véritable fanfare. Les frères Larrieu nous ont également émus avec “Le roman de Jim”, porté par le toujours formidable Karim leklou. Gaël Morel était de retour à Cannes avec son dernier film très personnel et bouleversant “Vivre, mourir, renaître”, porté par un trio d’acteurs qui fait irrémédiablement penser à celui des “Roseaux sauvages”. Le film qui nous a le plus enthousiasmés dans cette catégorie, dans un tout autre registre, c’est “Miséricorde”, d’Alain Guiraudie, un film audacieux, inclassable, irrévérencieux et drôle.

Dans la catégorie Un Certain Regard, nous avons eu le même avis que Baloji et Emmanuelle Béart à propos du film “Armand” de Halfdan Ullman Tondel. Ils lui ont décerné une Caméra d’Or amplement méritée. Le film est un huis clos dans une école où est convoquée la mère dudit Armand accusé d’avoir commis des actes outrageants à l’encontre d’un autre camarade. Souvent oppressant, le film est un petit bijou à ne pas rater à sa sortie en salles.

crédit photos : Shochiku Co., Ltd. – Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa (1991) / création graphique. Hartland Villa

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